La ministre Vanessa Matz veut responsabiliser Tiktok sur ses contenus dangereux

Alors que la tendance "SkinnyTok" explose sur TikTok, la ministre de l’Action et de la Modernisation publiques en charge du Numérique, Vanessa Matz, alerte sur les dangers majeurs que représentent ces contenus pour la santé mentale et physique des jeunes. Elle appelle à une reconnaissance de ce phénomène comme risque systémique dans le cadre du Digital Services Act, et demande des mesures concrètes de la part des plateformes numériques et des autorités européennes.
La tendance "SkinnyTok", virale sur TikTok, soulève de vives inquiétudes. Derrière ce hashtag se cache en réalité une glorification de la maigreur extrême, véhiculée par des contenus culpabilisants, des régimes dangereux et des images corporelles irréalistes. Ces vidéos, largement consultées par les adolescents, sont diffusées en boucle par l’algorithme de la plateforme, aggravant leur impact. Le simple fait d’en visionner quelques-unes suffit à déclencher une spirale de recommandations similaires, piégeant les utilisateurs dans un flux continu de contenus potentiellement nocifs.
La ministre en charge du Numérique tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Voilà plus de dix ans qu’elle alerte sur les dérives de l’apologie de la minceur dans les médias, en particulier chez les jeunes. Elle avait déjà déposé des propositions de loi visant à demander aux mannequins un certificat médical attestant de leur bonne santé, et à signaler par une mention obligatoire les photos retouchées ou générées par intelligence artificielle. Ces textes, pourtant cruciaux, n’avaient pas été adoptés par la Chambre des représentants.
Aujourd’hui, les conséquences sont visibles : ces représentations idéalisées nourrissent un mal-être profond chez les jeunes, surtout les jeunes filles, et peuvent mener à des troubles alimentaires graves comme l’anorexie ou la boulimie, qui concernent majoritairement les femmes (dans 90 % des cas). Ces troubles sont souvent invisibles, mais leur violence est réelle – pour les personnes touchées comme pour leur entourage.
Face à cela, la ministre estime que le phénomène "SkinnyTok" représente un risque systémique en matière de santé publique, un enjeu majeur auquel doivent s’attaquer les grandes plateformes numériques. Si TikTok affirme modérer les contenus promouvant des comportements alimentaires dangereux, la réalité montre qu’il n’existe encore aucune régulation stricte sur ce type de contenu. La plateforme se contente d’afficher des pages d'information sur les TCA (troubles du comportement alimentaire), sans empêcher la diffusion massive de ces contenus toxiques.
Le Digital Services Act (DSA) introduit des règles harmonisées à l’échelle européenne, imposant aux très grandes plateformes une responsabilité renforcée en matière de gestion des risques. Elles doivent analyser chaque année les effets systémiques de leurs services sur des enjeux cruciaux : santé publique, désinformation, discours de haine, atteintes aux droits fondamentaux, etc. Dans ce cadre, la ministre demande que les phénomènes qui promeuvent des comportements alimentaires dangereux, comme la trend "SkinnyTok" soient reconnus comme un risque systémique, et que des mesures concrètes soient prises en concertation avec la Commission européenne et les autorités belges compétentes, comme l’IBPT.
Enfin, au-delà de la régulation, elle insiste sur une autre dimension essentielle : la sensibilisation. Il faut s’adresser à l’intelligence des adolescents. En les accompagnant dans une réflexion sur les différents contenus disponibles en ligne, on peut les aider à développer un regard critique. Car le numérique, bien utilisé, peut aussi devenir un formidable levier éducatif et intellectuel. Il ne s’agit pas de faire des écrans un bouc émissaire, mais d’encadrer leurs dérives et de rendre les plateformes responsables de leur impact.
« Le skinnytok, ce n’est pas simplement une tendance ou un hashtag, c’est une spirale algorithmique qui enferme les jeunes dans une vision toxique de leur corps, qui peut conduire à des comportements extrêmement graves et dangereux. Laisser ces contenus circuler librement, c’est fermer les yeux sur un risque de santé publique. Les plateformes doivent être tenues responsables de la gestion de leurs algorithmes. » Vanessa Matz